Cette idée n’étonne que notre pays. Ailleurs, tout le monde trouve la situation normale, voire satisfaisante. Chez nous, elle soulève un tollé. Parce que les Etats-Unis sont une sur-puissance à visée mondiale dont l’OTAN constitue un des prolongements tactiques (politiques) depuis près de 60 ans. Signé pour créer un front européen contre l’Union Soviétique, le Traité Atlantique se trouva par trois fois sans objet : lorsque l’URSS obtint elle-aussi l’arme nucléaire, gelant la situation politique ; quand la France se dota de sa propre bombe, rompant l’unicité du pouvoir atomique ; et plus encore, au moment de la chute du mur de Berlin. Et à chaque fois, l’OTAN réussit à muter pour survivre et poursuivre la réalité de son projet : imposer la réponse américaine à la politique européenne.
C’est là évidemment qu’il faut balancer les deux propositions OTAN et Union Européenne pour comprendre le débat et ainsi percevoir le marché que semble négocier actuellement le président de la République : intégration complète de la France dans l’OTAN contre création de la Défense Européenne.
Qui croit duper qui ? La France pourra-t’elle faire croire aux Américains qu’elle irait s’arrimer au mastodonte atlantique pour calmer son historique sens de la rébellion, de l’affirmation, tout en avançant la constitution d’une arme européenne capable (le pourrait-elle vraiment ?) de se substituer à terme à celle de l’OTAN et de constituer le socle de l’indépendance européenne ? Quel socle ? Quelle indépendance ? Quelle Europe ?
L’Europe, pour exister, vraiment, manque d’une politique et donc d’une armée. Il s’agit donc, non d’un petit débat, mais d’une énorme étape que s’apprêterait à conduire la présidence européenne française pour faire entrer l’Union dans une nouvelle ère de son évolution, de sa maturation vers sa propre super-puissance…Vaste illusion ! Tant que l’OTAN existera, aucune stratégie européenne indépendante ne pourra voir le jour.
Alors qu’irions-nous faire dans cette galère ?
Quel but poursuivons-nous en nous lançant dans cette double aventure : OTAN et Défense Européenne ? S’agit-il pour nous, malgré tout, de nous placer dans un grand ensemble afin d’affirmer notre existence, un peu, même entamée, sur la scène du monde, en espérant mieux plus tard ? Je crois que cette route ne mène nulle part. Parce que, bientôt perdu dans des organisations qui se trouvent, en réalité et de fait, aujourd’hui ou demain, sous contrôle anglo-saxon, notre pays ne pourra plus qu’adhérer à une politique que nous n’aurons pas nous-même définie. OTAN et Défense Européenne nous exposent ainsi de la même façon à perdre notre capacité à exprimer notre propre voix.
Et notre voix, c’est notre indépendance, notre liberté. La faire entendre, c’est notre devoir, si nous voulons demain, toujours écrire l’histoire.